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A quoi tu penses quand c’est dur ?

    Le dialogue interne quand on fait du sport, ce moment terrible où tu te poses 1000 questions démoralisantes : j’ai chaud, c’est dur, j’en ai marre, je vais trop vite, je vais tomber, je dois ralentir, c’est déjà assez bien ce que je fais je n’ai pas besoin d’aller plus vite, allez c’est déjà bien on arrête …

    Vous connaissez ? Moi c’est ma spécialité. J’ai l’impression que je le vis 80% du temps dès que je me pousse un peu. Et pourtant : j’adore me pousser, explorer mes capacités physiques dans le cardio ou dans le renfo, le sentiment de puissance qui arrive après une séance bien dure. Mais sur le moment : c’est tellement un combat mental. Un combat que j’aime recommencer régulièrement, mais un combat mental et physique malgré tout. Et je l’ai particulièrement ressenti lors de mon 10km en 45 min. Entre le 5e et le 9e kilomètre (c’était long!) j’ai eu 1000 fois envie d’arrêter, de ralentir, de marcher, d’abandonner… parce que j’étais mal dans mon cardio et tout mon corps / ma tête avaient envie de lâcher à chaque instant. À ce moment là, on sait que c’est mental. Oui c’est physique car on flirte avec ses limites, mais oui c’est mental car pour rester à cette limite encore un peu plus longtemps : c’est le cerveau qui décide.

    Alors pour comprendre un peu plus ce phénomène, je suis allée à la rencontre de quelques sportifs qui ont l’habitude de se pousser au max, pour leur demander comment ils font quand c’est dur. À quoi ils pensent quand c’est dur. Pour m’en inspirer, vous inspirer et trouver – non pas des solutions car il n’y en a pas – mais des pistes pour mieux appréhender ce dialogue interne démoralisant. Je suis allée courir avec eux, nager avec eux, chacun leur tour: pour discuter, apprendre de leurs entraînements, de leur état d’esprit. Voici ce que j’en retiens.

    Carole Chassine : coureuse amateur, 10km en 37min à 44 ans. Traileuse habituée aux podiums en catégorie master femme. Quand c’est dur dans les entraînements ou en course, Carole découpe le morceau. « Encore 500m à cette vitesse, puis je ralentis ! » Ou encore : « 30 min avant le prochain ravitaillement, encore 20 min avant le ravito, encore 10 min … » Elle m’a aussi dit : « j’essaie de ne pas trop penser en fait ! » Carole court 5 à 6 fois par semaine et ne se déplace qu’en vélo. Elle habite dans les Yvelines et n’a pas de voiture. Elle aimerait faire un peu plus de renforcement musculaire, elle fait 2 à 3 fractionnés par semaine, et fait un maximum de run en endurance fondamentale, très « lent » pour se construire un corps solide. Elle mise énormément sur les gammes qu’elle pratique en club et aussi quand elle donne ses cours de running aux enfants.
    Elle court en club d’athlétisme depuis qu’elle a 10 ans.

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    Lucile Woodward et Carole Chassine

    Igor Dupuis : triathlète professionnel, 10km en 29min53s à 28 ans, ambitionne d’être sélectionné sur le circuit triathlon européen. Igor s’entraîne 25 à 30h par semaine. Il nage 3 à 4 fois par semaine, court 70km par semaine, pédale 300km par semaine environ. À quoi pense-t-il quand c’est dur ? « Je pense à mon objectif de course, à être le meilleur, à ce que je veux obtenir à la fin. » En gros, Igor pense à son engagement personnel et professionnel. « Je me dis aussi que je me donne toutes les chances pour vivre de ma passion, pour faire ce que j’ai envie de faire, vivre ce que j’ai envie de vivre. »
    Igor reste dans le positif, dans son ambition et son intention de départ.

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    Lucile Woodward et Igor Dupuis

    Jazz Carlin : nageuse olympique, double médaille d’argent 400m NL et 800m NL Rio 2016. Détentrice du record britannique sur 1500m NL. Jazz nageait 70km par semaine, à raison de 2 entraînements de nage par jour. Elle pratiquait le pilates et le renforcement musculaire en endurance 2 à 3 fois par semaine. À quoi pensait-elle quand les entraînements étaient si durs et si longs ? « Je pensais à mon placement, à ma technique à ce que je devais ressentir dans l’eau, un mouvement bien fait, la glisse. J’étais le plus possible dans le ressenti de mon corps dans l’eau, le feeling dans l’eau. Parfois je me chantais des chansons. Je me parlais, me disais que c’était bien et que c’était ça que je devais ressentir » Note : les nageurs se chantent énormément de chanson dans leur tête, pour battre le rythme des bras. Je le fais moi aussi très souvent.
    La technique, toujours la technique. Quand c’est dur : penser à sa technique, une sorte de méditation vers le physique pour empêcher la tête de lâcher. J’adore l’approche de Jazz ultra douce, qui se ressent aussi dans sa façon d’être.

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    Lucile Woodward et Jazz Carlin

    Sabina Rappeli : vice championne du monde de Swimrun 2023 en duo féminin. Elle prépare le championnat du monde de swimrun en duo avec son conjoint, pour viser le numéro 1 mondial en duo mixte. Sabina nage 5Km par session 3 à 4 fois par semaine et court tous les jours entre 10 et 20km. Fractionné sur piste, trail, fartleck, endurance, montagne … Elle pratique la musculation 1 à 2 fois par semaine.

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    Lucile Woodward et Sabina Rappeli


    À quoi pense Saby quand c’est dur ? « J’éteins mon cerveau ». Sabina ne parle pas trop d’elle… « Quand c’est trop dur à l’entraînement, j’essaie quand même de tenir les allures, mais je fais ce que je peux avec l’énergie que j’ai sur le moment. Ça me frustre des fois, mais bon! On n’est pas des robots, il y a des jours où ça ne va pas, et on fait de notre mieux. »
    En résumé, quand c’est dur Sabina serre les dents et continue, sans trop se poser de question, avec bienveillance envers elle-même. Bienveillance sans complaisance.

    Ce que je retiens de ces échanges ? Que c’est dur pour tout le monde, et que tout le monde ressent la même chose. Quand je pose la question à l’un de ces athlètes : je n’ai pas besoin de lui expliquer de quoi je parle, il sait parfaitement ce qu’est cette zone rouge de l’effort où tout vous pousse à arrêter.
    Et vous voyez, sur 4 athlètes différents, il y a 4 stratégies différentes. La découpe en petits objectifs, la technique, l’engagement, la bienveillance. Et JAMAIS sur ces 4 propos, quelconque auto critique, auto detestation, auto dénigrement. Jamais l’athlète ne se dit : « t’es nul, c’est pas possible, tu vas pas y arriver. » Je précise qu’aucun de ces entretiens n’a été préparé, et je ne les avais pas prévenu que j’allais leur poser ce genre de question. Je leur demande comme ça, au fil de la conversation. La réponse est rapide, il n’y a pas de réflexion quant au discours à avoir. Ce ne sont pas des athlètes qui travaillent leur image ou leur communication. Juste leur propos sans filtre.

    Depuis 2018, je travaille mes audios de cardio : les Listen & Go pour vous aider à passer le cap du dialogue interne lors de vos entraînements. Et cette année, via l’Experience Club, je les pousse encore plus pour que vous flirtiez avec votre zone d’alerte régulièrement. Ce genre d’entretien m’aide énormément à vous proposer des techniques mentales encore plus efficaces pour vous dépasser physiquement.
    Alors bien sûr vous n’allez pas devenir semi-pro triathlète, ou vainqueur régulier en trail. Moi non plus d’ailleurs. Mais le but c’est de progresser sur votre connaissance de vous même. D’acquérir plus d’expérience sportive pour mieux réagir mentalement lorsque vous serez confrontés à ce genre de pensées. Ça marche dans le sport mais aussi dans la vie. Se pousser en cardio fait de nous des humains plus connectés, plus tolérants, plus humble. Car qui tu es quand c’est dur, c’est qui tu es vraiment.
    Donc si vous apprenez à mieux réagir mentalement quand c’est dur en sport, vous saurez mieux réagir aussi quand ce sera dur dans votre vie quotidienne.

    Pour conclure, personnellement lors de mon combat mental pour les 10k en 45 min, j’ai surtout pensé à mon engagement. Mon engagement à réussir ce 10k en 45min, tous les entraînements que j’ai fait pour, mon envie de ressentir / prouver que c’était possible de progresser après 40 ans. J’ai moins pensé à ma technique, même si ça m’a quand même aidé. Je me suis parlé avec bienveillance à me dire que ça allait, que ça allait, que ça allait !! Entre 2 pensées ultra négatives d’arrêter, de « c’était déjà bien » et que « si je faisais 47 min c’était aussi bien », et que « peut être que 45min j’y arriverai dans quelques mois » …

    En résumé : c’est normal d’avoir des milliers de pensées démoralisantes. Mais on peut travailler sa réponse à ses pensées, plutôt que de se laisser réagir. Et le fruit de ce travail est une immense satisfaction personnelle, une sagesse mentale et physique. Des bénéfices précieux, qui ne s’achètent pas. Ils s’obtiennent.

    13 commentaires sur “A quoi tu penses quand c’est dur ?”

    1. En pratiquant le trail, et le vélo en montagne, j’aime me concentrer sur le paysage, la faune, la flore pour divertir mon cerveau et qu’il « oublie » l’effort, la fatigue, la difficulté. Bref lever la tête des chaussures ou du guidon (récupérer une bonne posture), et regarder haut et loin devant la beauté de la nature.

    2. Bonjour,
      Merci pour cet article car moi aussi, le cerveau a tendance à partir en vrille et du coup, je suis moins concentrée sur l’effort et mon rythme se ralentit. Maintenant j’y veille.
      J’avais aussi lu l’astuce d’un alpiniste qui m’a bien aidé: quand c’est dur, il se concentre simplement sur le rythme de sa respiration, respirer fort et longtemps , puis répéter. Je fais beaucoup ce genre d’exercices en yoga et je pense que cela doit bien aider lors d’une épreuve sportive. C’est une sorte de méditation et en plus, la respiration permet d’oxygéner encore plus les muscles, c’est tout bénéf!

    3. Merci pour ton article en tant que joueuse amatrice de foot, j’avoue qu’il a des moments ou je me demande ce que l’arbitre attend pour siffler. Mais je me dis tu dois résister. Vous êtes 11 femmes sur le terrain.

    4. Hello
      Merci pour cette news qui tombe a pic puisqu’une semaine avant mon obj.
      La semaine dernière j’ai lâché pendant un entraînement, … puis avec un terrain plus stabilisé je me suis reprise et t j’ai pense a mon objectif et a la technique et a chaque fois je me répète « jambes dures, penses a la technique » et ça repart.
      Bref on verra la semaine prochaine …

    5. Cette lettre tombe à pic!
      Demain matin je m’élancerai sur mon deuxième semi marathon à bientôt 48 ans…
      Et j’alterne entre doute, confiance, envie, peur…mais je sais surtout que j’y vais pour kiffer..pour aller flirter avec mes limites dans la bienveillance..
      Mentaliser…découper sa course…après tout c’est juste un peu plus que 4 x 5 km…et surtout pensez au moment présent mais aussi à l’après…
      Merci Lucille pour ce partage

    6. Lors de mes séances de Cross Fit, il y a l’intensité qui donné envie de vomir, mais il y a surtout le chrono ou le nombre de répétitions qui te disent : aller, encore 30 secondes et c’est fini, ou, plus que 10 répétitions et c’est la pause..
      mais en montagne, lors de mes 14 jours de GR20, ou de mes 8 jours de TMB, quand tu marches en côte depuis 2h30, personne n’est là pour te dire si ça va encore durer comme ça 20 minutes ou 1 h. J’ai appris, pendant ces moments horribles, à débrancher le cerveau, faire un pas après l’autre, que ça avancerait toujours un peu comme ça.. Alors, je compte dans ma tête : 1, 2, 3… jusqu’à 100, puis je chante une chanson, je me concentre sur le détail d’une fleur au bord du chemin, d’un oiseau qui chante au loin… et puis, le sommet arrive, la magie opère, la descente est annoncée. ✌️

    7. Merci pour ces témoignages sans filtre et ton analyse… Wouah, respect….
      Un petit partage à mon petit niveau. En escalade ou en voile légère en binôme, c’est grâce à mon partenaire que je tiens ; sans y penser je sors de moi-même pour anticiper et m’accorder aux mouvements et besoins de l’autre. Je peux être en tétanie, frigorifiée, avoir mal partout, avoir la trouille, ça marche à tous les coups ! Les meilleures sensations sportives que j’aie jamais vécues !!! (Je recommande 😉 )

    8. On voit qu’on a tous une approche différente et surtout qu’il n’y a pas de recette miracle comme si justement souligné dans l’article ! En ce qui me concerne j’ai identifié deux phases ou le mental intervient :

      Avant l’entrainement lorsque je n’ai pas envie j’applique la méthode que j’ai nommée  » la méthode robot » ( inspirée par vous Lucille) : je ne me pose aucune question et j’évite d’y penser car y penser c’est laisser la poste ouverte à la manipulation de mon cerveau pour trouver toutes les excuses possibles. J’en fais une certitude : j’ai prévu une séance et je vais la faire: c’est comme ça et pas autrement. Je ne négocierai pas ! Une fois ma tenue enfilée je considère avoir fait la partie la plus difficile et je me dis que maintenant c’est que du bonus !

      Pendant l’entraînement je me répète ce mantra :  » celui qui lâche à l’entraînement lâchera lors de la course » et comme Carole Chassine je fractionne l’effort en me disant : tu as déjà fait 1/4, 1/3,1/2 donc le plus dur est fait alors autant finir! Et même si je suis toujours moins rapide que les autres je me dis : c’est difficile AUSSI pour eux et ils le font alors moi aussi je m’autorise cette souffrance. Et j’essaye de l’accueillir au mieux ( avec quelques jurons parfois quand même 🙂 ) )

      J’ai découvert le mental très tardivement dans ma « carrière » de sportive amatrice. Je suis persuadée qu’il participe ( pour moi ) à hauteur de plus de 70% de mes modestes « performances » . Je suis très fière aujourd’hui d’avoir réussi à mettre en place ces stratégies qui me permettent de conserver une activité régulière quelque soient les situations. Car pour moi c’est ça la vrai victoire : never give up ! pour vivre le plus long possible en bonne santé !

      Note: oui c’est largement inspiré de la philosophie LW … 🙂

    9. Diana Nyad dans ses TED Talks parle de cette longue trèèès longue zone rouge lors de sa traversée à la nage Cuba-Floride. Elle dit que ce qu’elle se répète c’est « Find a way ». Cela marche pour tout, pour le sport comme dans la vie. You’ll (almost) always find a way.

    10. Merci beaucoup pour ce rappel !
      J’ai fait cette semaine le Listen and go méditation du 7eme mois EC. C’était une révélation ! Éteindre le cerveau, c’est génial ! J’ai réussi à donner comme jamais et j’ai fait mon km le plus rapide. J’ai surtout envie de recommencer à me pousser comme ça car je me suis sentie invincible, forte malgré la difficulté. Et oui cela nous aide dans la vie de tous les jours. J’arrive maintenant après pas mal de pratique à faire le lien avec mes défis personnels.
      Merci pour ton travail et ton témoignage. Je continue 💪🏃🎖

    11. J’aime beaucoup cette newsletter (et d’ailleurs toutes les autres) car celle-ci apporte beaucoup d’éléments pour nous aider à tenir et à poursuivre nos activités sportives dans les moments difficiles. Ceux-ci vont m’aider quand je serai aussi dans un moment critique lors d’une séance
      sportive. Le fait de savoir que ces grands sportifs ont aussi des moments difficiles et de connaître leurs actuces est très enrichissant !
      Merci Lucile pour ces témoignages et ta newsletter.

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